Matalana, le miroir des illusions face à une vérité dissimulée

Kinshasa, capitale foisonnante de la République démocratique du Congo, est le théâtre d’un phénomène social en pleine expansion : le Matalana. Ce terme issu du lingala signifie littéralement « se faire voir », et désigne une attitude ostentatoire consistant à paraître riche, influent ou enviable, particulièrement sur les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou encore Instagram.

Véritable mode de vie pour une partie grandissante de la jeunesse congolaise, le Matalana est devenu synonyme de buzz et de quête de validation numérique. Dans une société de plus en plus connectée, il suffit désormais d’un smartphone pour projeter une image idéalisée de soi, parfois très éloignée de la réalité quotidienne.

-Une vitrine numérique trompeuse-

Pour de nombreux jeunes, cette mise en scène permanente devient une obsession. Derrière les photos retouchées et les vidéos bien cadrées, la réalité est souvent plus morose.

Certains vivent dans des conditions précaires mais n’hésitent pas à s’endetter ou à mettre leur intégrité en danger pour ressembler à des figures publiques ou à des célébrités en ligne. »Être influenceur, c’est détenir une forme de notoriété », explique Gemima Makiese, entrepreneure congolaise. « Mais aujourd’hui, cette réalité est galvaudée. Beaucoup ne font le buzz qu’en créant des polémiques, oubliant que le professionnalisme requiert parfois le silence et la retenue. »

-L’autre visage du Matalana-

Si le phénomène inquiète, certains y voient aussi une opportunité. Ora Moko, étudiante à l’Académie des Beaux-Arts, estime que le Matalana peut avoir un impact constructif : « On peut influencer positivement la communauté sans faire de bruit. À condition de rester un modèle, le Matalana peut devenir une véritable carrière au service du pays. »Le phénomène soulève toutefois des inquiétudes.

Selon plusieurs observateurs locaux, cette culture de l’apparence alimente une pression sociale croissante, conduisant parfois à des comportements destructeurs, notamment chez les plus vulnérables.

-Un miroir à double tranchant-

Entre quête de reconnaissance et illusion numérique, le Matalana apparaît comme un miroir à double tranchant. Il peut être une rampe de lancement vers la notoriété, mais aussi un piège menant à la désillusion, voire à l’autodestruction. Tout dépend de l’intention et de l’usage qui en est fait.

Dans une époque dominée par les écrans et les apparences, un défi majeur se pose : comment ramener l’authenticité au cœur du numérique, sans condamner la créativité des jeunes ? La réponse pourrait bien résider dans une éducation aux médias et à l’image, afin que le Matalana ne devienne pas le symbole d’un mal-être déguisé en succès.

Agapé Makinu

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