Joseph Kabila désormais exposé à des poursuites judiciaires

Une page historique s’ouvre dans la vie politique congolaise. Le Sénat a levé ce jeudi l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien chef de l’État et sénateur à vie, permettant ainsi l’ouverture de poursuites judiciaires à son encontre.

Joseph Kabila, dont l’absence à la plénière et devant la commission ad hoc a été remarquée, n’a pas assuré personnellement sa défense. Une commission spéciale de 40 membres, dirigée par le sénateur Christophe Lutundula, avait préalablement été constituée pour examiner la requête de l’auditeur général des FARDC. Elle a rendu un avis unanime en faveur de la levée de l’immunité, après avoir entendu à nouveau le magistrat militaire.

-Des accusations gravissimes-

Cette décision intervient dans un climat particulièrement tendu, alors que la Haute Cour militaire soupçonne l’ancien président de soutenir activement le mouvement rebelle M23/AFC, accusé de multiples exactions dans l’est du pays. Les chefs d’accusation sont d’une extrême gravité : trahison, collusion avec une rébellion armée hostile à l’État, et implication présumée dans des crimes de guerre.

Ces infractions, si elles sont avérées, relèvent des articles 136 et 137 du Code pénal militaire, punissant toute forme de collaboration avec une insurrection. À cela s’ajoute une accusation de haute trahison, au titre de l’article 182 du Code pénal congolais, pour avoir, selon le parquet militaire, entretenu des relations illicites avec une puissance étrangère – en l’occurrence le Rwanda – ou avec ses agents agissant par l’entremise du M23. L’objectif allégué : favoriser une agression armée contre la RDC.

Par ailleurs, Joseph Kabila est également poursuivi pour crimes de guerre, en vertu de la loi n°15/022 du 31 décembre 2015 modifiant le Code pénal. Sont évoqués : attaques délibérées contre les populations civiles, enrôlement d’enfants soldats, traitements inhumains et violations graves des Conventions de Genève.

-Un précédent institutionnel sans équivalent-

Aucun mandat d’arrêt n’a encore été délivré, mais le cadre légal pour engager des poursuites est désormais établi. Si le procès devait s’ouvrir, il marquerait un tournant historique : jamais un ancien président de la RDC n’a été traduit en justice de cette manière. Ce geste du Sénat pourrait faire tomber le mythe de l’impunité des anciens dirigeants et amorcer une transformation profonde de la culture politique et judiciaire congolaise.

-Une procédure juridique contestée-

La plénière n’a toutefois pas échappé aux turbulences. Dès l’ouverture des débats, la sénatrice Christine Mwando Katempa, membre du groupe Ensemble, a soulevé une motion incidentelle, invoquant l’article 224 du règlement intérieur. Celui-ci stipule que seule une réunion du Congrès – réunissant les deux Chambres – est habilitée à statuer sur la levée de l’immunité d’un sénateur à vie.

Cette controverse pourrait freiner la procédure : le Congrès devra se prononcer sur la régularité de la démarche engagée. Pour certains observateurs, il s’agirait d’un piège institutionnel destiné à gagner du temps, voire à étouffer l’affaire.Reste désormais à savoir si cette impulsion judiciaire sera suivie d’effets concrets ou si elle se heurtera aux complexités d’un appareil politico-judiciaire souvent prompt à refermer les dossiers les plus sensibles.

La rédaction

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