
L’intention était sans doute de redorer son blason. Mais à l’issue de son intervention sur le plateau de l’émission « Asololi », face à la journaliste Paulette Kimutu, l’ancien ministre des Finances Nicolas Kazadi a surtout réussi à écorner davantage sa propre image et, au passage, celle de l’institution présidentielle
Dans une tentative de justification qui s’apparente à un véritable numéro d’auto-sabotage, l’ex-argentier de la République a livré un témoignage troublant sur les dysfonctionnements de l’appareil d’État. Il y dénonce la création de 53 établissements publics “sans prévisions budgétaires, en pleine année d’exercice, avec un personnel recruté sans critères clairs, sans structures viables ni frais de fonctionnement”.
Un réquisitoire implacable … contre sa propre gestion.Kazadi, qui fut l’un des visages technocratiques de l’Union sacrée, a ouvert ce qu’il appelle lui-même “un livre noir”, où il décrit une gouvernance erratique et une gestion improvisée des deniers publics. “On commence par se partager l’argent des projets, puis on réfléchit après”, a-t-il lancé d’un ton grave. Une déclaration-choc qui a résonné comme un aveu, plus accablant que toute accusation formulée par ses adversaires ou par l’Inspection générale des finances (IGF).
-Tshisekedi, de l’éloge à la mise en cause-
Plus déconcertant encore : Nicolas Kazadi n’a pas hésité à égratigner son ancien chef, le président Félix Tshisekedi.
Celui qu’il encensait hier pour son leadership “visionnaire” est aujourd’hui accusé, à demi-mot, d’avoir présidé à une forme d’“improvisation institutionnelle”. Un revirement qui en dit long sur le désarroi d’un homme désormais en rupture avec le sommet du pouvoir.-Alingete, cible collatérale-L’ancien ministre ne s’est pas contenté de vider son sac sur les institutions. Il a aussi dirigé ses flèches contre Jules Alingete, patron de l’IGF, qu’il soupçonne de viser la Primature ou son ancien portefeuille ministériel.
Des insinuations balayées par l’intéressé, qui a toujours nié toute ambition politique : “Je m’acharne contre ceux qui s’acharnent sur le Trésor public”, a-t-il réaffirmé.C’est pourtant un rapport de l’IGF qui a mis le feu aux poudres dans le scandale des forages d’eau, une affaire devenue le symbole d’une gouvernance défaillante.
-Les forages fantômes, un puits sans fond-
À l’origine du tumulte : un programme de 241 stations de forage censées améliorer l’accès à l’eau potable. Mais sur les 71 millions de dollars débloqués, une part importante se serait évaporée dans des circuits opaques. Les quelques forages réalisés, parfois creusés à proximité de fosses septiques, ont produit de l’eau impropre à la consommation.Le dossier implique un trio explosif : Kazadi lui-même, François Rubota (ex-ministre du Développement rural), et Mike Kasenga, entrepreneur proche du pouvoir.
Les soupçons vont de la surfacturation aux travaux bâclés, en passant par des décaissements suspects. Un échec cuisant, que l’ancien ministre tente de justifier par un manque de pouvoir décisionnel : « Je savais, mais je ne pouvais rien faire », laisse-t-il entendre. Une posture qui confine à la démission politique.
-L’ODEP met la pression-
Dans ce contexte, la société civile, par la voix de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP), n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué au ton mesuré mais ferme, elle prévient : “Quelle que soit la durée de la nuit, le jour finira par se lever. Nicolas Kazadi finira par se présenter devant la Cour de cassation”.
L’ancien ministre, jadis technocrate respecté, aujourd’hui député en sursis, semble de plus en plus isolé. Et sa sortie médiatique, censée servir de plaidoyer, pourrait bien accélérer sa chute. Car dans cette affaire, les projecteurs restent braqués et le rideau est encore loin de tomber.
La Rédaction